MEDIATION ET TRIBUNAUX DE COMMERCE - Approche comparative Côte d’Ivoire/France

Le 21 décembre 2022 s’est tenue au Centre de Recherche et de Formation Professionnelle à la Médiation, l’Arbitrage et la Négociation (CERFOPMAN – Université Catholique d’Afrique de l’Ouest – Abidjan) une table ronde sur le thème : « Tribunaux de commerce en Côte d’Ivoire et en France – Regards croisés de Médiateurs ». Cette manifestation, organisée par Monsieur Félix TOBIN, Président de l'Association Bridge, Médiateur professionnel, familial et en santé, a réuni de nombreux participants face aux deux intervenants : Monsieur Cyrille TANOE, ancien juge consulaire et médiateur en Côte d’Ivoire et Monsieur Jean-Jacques PICARD, juge consulaire et médiateur en France.

 

Ont été abordés lors de cette réunion la présentation comparée des Tribunaux de Commerce entre les deux pays puis la typologie et le traitement des conflits commerciaux, pour appréhender ensuite l’intervention de la médiation dans la solution des conflits portés devant les Tribunaux de Commerce.

 

Nous reprendrons successivement, dans le présent article, ces trois points afin de rapporter les échanges fructueux de cette table ronde.

 

Présentation sommaire comparée des tribunaux de commerce

 

C'est par l'édit de novembre 1563, inspiré par le Chancelier Michel de l'Hospital, que Charles IX institua les « juges consuls » à Paris. Confortée par Colbert, par l'Assemblée Constituante en 1790 puis par le Code de Commerce en 1807, l'Institution des tribunaux de commerce est donc vieille de plus de quatre siècles en France. Il y existe aujourd'hui 134 tribunaux de commerce composés de plus de 3200 juges. Ces tribunaux de commerce français constituent un service public qui présente le caractère particulier de n'être composé que de magistrats bénévoles et élus.

 

La Côte d’Ivoire ne disposait jusqu’en 2012 d’aucune juridiction de commerce. Tous les litiges étaient traités par les tribunaux de première instance. C’est par une décision du 11 janvier 2012, portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce, que va être institué un premier tribunal de commerce à Abidjan. Deux années plus tard, cette décision va se muer en loi organique du 14 juillet 2014, elle-même modifiée par la loi organique du 13 janvier 2016. Il n’existe toujours qu’un seul tribunal de commerce en Côte d’Ivoire à Abidjan. Les litiges en dehors de son ressort restent traités par les tribunaux de première instance. Aux termes de l’article 2 de la loi du 08 décembre 2016, les juridictions de commerce sont qualifiées de juridictions spéciales. Elles sont constituées, au premier degré, de tribunaux de commerce et, au second degré, de cours d’appels de commerce, celles-ci n’existant pas avant 2016.

 

Pour plus de cohérence nous nous limiterons dans le présent article à mettre en parallèle le tribunal de commerce d’Abidjan, dans lequel Monsieur Cyrille TANOE a été juge consulaire avec celui de Bobigny auquel appartient Monsieur Jean-Jacques PICARD. Ce dernier tribunal a été créé en 1987 par extension du tribunal de commerce de Paris. Il est aujourd’hui le deuxième de France au niveau des procédures collectives.

 

Ces deux tribunaux traitent principalement des litiges commerciaux, dits « contentieux » et des procédures collectives (liquidation, redressement judiciaires). Nous n’aborderons ici que le domaine du contentieux.

 

Nous présentons ci-dessous leurs principales caractéristiques :

  

Leurs fonctionnements comportent des similitudes et des différences notables.

 

Le président du tribunal de commerce ivoirien est obligatoirement un juge professionnel. En 2022 il était assisté de 17 juges professionnels, dont trois vice-présidents et d’une quarantaine de juges consulaires. A Bobigny, tous les juges, dont le Président et le vice-président, sont des juges consulaires. Les juges consulaires dans les deux cas sont bénévoles. Les juges consulaires ivoiriens « ont droit à une indemnité dont le montant et les conditions d’attribution sont fixées par décret » [1],. Les 78 juges consulaires français de Bobigny sont entièrement bénévoles et n’ont droit à aucune indemnité ni remboursement de frais, avec toutefois une possibilité de déduction de leurs frais réels sur leurs autres revenus, mais pas sur leurs impôts.

 

Les juges sont répartis en chambres, chacune composée d’un nombre impair de juges.

A Abidjan les jugements sont toujours rendus par cinq juges au moins, à raison de deux juges professionnels, président, et de trois juges consulaires, assesseurs, sans que le nombre de juges professionnels puisse être supérieur à celui des juges consulaires, alors qu’à Bobigny le président de la formation de jugement est aussi un juge consulaire, et ce quelle que soit la taille de cette formation.

 

Dès l’institution du tribunal d’Abidjan en 2012 les autorités ont porté une attention particulière sur les délais. Ainsi si l’affaire n’est pas en état d’être jugée au jour de la première audience, « le tribunal la renvoie à la prochaine audience et confie à l’un de ses membres le soin de l’instruire en qualité de juge rapporteur » [2]. Celui-ci dispose d’un délai de deux mois à compter de sa désignation pour prendre une ordonnance de clôture, qui peut être prorogé d’un mois par décision du Président du Tribunal. « Les débats clos, le tribunal délibère sur rapport du juge rapporteur » [3]. « En tout état de cause, le jugement est rendu dans un délai impératif de trois mois, à compter de la première audience » [4], qui peut être prorogé d’un mois par décision du président du tribunal.

La loi française est moins rigoureuse sur ce point et, en dehors de certaines procédures spécifiques, donne aux parties le temps nécessaire pour procéder à l’échange de leurs arguments et moyens, ce qui amène souvent à de nombreuses audiences de mise en état avant qu’un juge chargé d’instruire l’affaire ne soit désigné. Le tribunal délibérera sur le rapport que lui fera ce juge. Si le délai à Bobigny est court entre la désignation du juge et l’édition du jugement par le greffe, le délai global entre la première audience de mise en état et le délibéré peut être long.

C’est probablement cette différence d’organisation qui explique dans le tableau ci-dessus l’écart important de délai moyen de traitement entre Abidjan et Bobigny.

 

La typologie des conflits commerciaux portés devant les tribunaux

 

Les tribunaux de commerce français traitent principalement : des litiges entre commerçants et/ou artisans (depuis le 1er janvier 2022 pour ces derniers) et avec les établissements financiers ; les contestations d’actes de commerce entre toutes personnes, ou relatives aux sociétés commerciales. Ils peuvent être également compétents pour connaître des litiges entre particulier et commerçants/artisans, mais uniquement à la demande du particulier.  En dehors d’actions de recouvrement simples, sont exclus de leur compétence les litiges relatifs aux baux commerciaux.

 

En Côte d’Ivoire, les litiges relevant de la compétence des tribunaux de commerce sont pour l’essentiel : les contestations entre commerçants, entre associés de sociétés commerciales, entre toutes personnes, relatives aux actes de commerce au sens de l’Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général, ainsi que les contestations relatives aux actes de commerce accomplis par les commerçants à l’occasion de leur commerce.

L’Afrique de l’Ouest a institué en 2010 l’Acte uniforme « OHADA » portant sur le droit commercial général, visant à harmoniser le traitement des actes commerciaux dans de nombreux pays africains. C’est à cet Acte Uniforme que se réfère la loi de 2016. Il distingue les commerçants des entreprenants, appelés artisans en France. Ces derniers sont donc exclus de la compétence du tribunal d’Abidjan. A l’inverse l’Acte Uniforme réglementant les baux « à usage professionnel » concernant les « locaux ou immeubles à usage commercial, industriel, artisanal ou à tout autre usage professionnel », le tribunal d’Abidjan est compétent pour connaître de ces litiges.

 

A la différence du tribunal de Bobigny, dont toutes les chambres de contentieux traitent de tous types de litige, le tribunal d’Abidjan est organisé en chambres spécialisées groupées en trois pôles principaux :

• Le Pôle 1 - Affaires Présidentielles : Sociétés commerciales – Bourse – Énergie et Ressources Naturelles - GIE

• Le Pôle 2 - financier : Contrats commerciaux – Concurrence – Propriété intellectuelle

• Le Pôle 3 - Immobilier : Fonds de Commerce – Saisie immobilière – Sociétés Coopératives

 

Le Pôle 1 engloberait également l’Arbitrage et la Médiation, ce qui nous amène à nous interroger sur la place de la médiation dans les tribunaux de commerce.

 

La médiation dans les tribunaux de commerce

 

Nous aborderons tout d’abord la médiation à Abidjan.

 

L’article 5 de l’ordonnance de 2012, créant les tribunaux de commerce en Côte d’Ivoire disposait :

« La tentative de conciliation est obligatoire et se tient à huis clos.

Le huis-clos peut être également ordonné à toutes les autres étapes de la procédure si l'ordre public, les bonnes mœurs et le secret des affaires l'exigent. »

Ceci avait été repris par la loi de 2014, mais a été sensiblement modifié dans la loi de 2016 sur l’organisation et le fonctionnement des Tribunaux de Commerce à son article 5 :

« La tentative de règlement amiable est obligatoire avant toute saisine du tribunal de commerce et se tient entre les parties elles-mêmes ou avec l’intervention d’un tiers, dans le cadre d’une médiation ou d’une conciliation. »

Ainsi alors que la loi de 2014 semblait charger le juge de tenter la conciliation préalable, la loi de 2016, renvoie vers les parties l’obligation de tenter de trouver une solution amiable à leur différend, avant d’arriver devant le juge.

Elle distingue la médiation de la conciliation et précise à l’article 6 :

« Lorsque le règlement amiable est fait dans le cadre d’une médiation celui-ci est réalisé conformément à la législation en vigueur.

Lorsque le règlement amiable est fait dans le cadre d’une conciliation, celui-ci est réalisé selon la procédure prévue à l’article 7 ci-dessous ».

 

La médiation en Côte d’Ivoire est régie par une loi de 2014. Il y est indiqué « La médiation est un mode alternatif de règlement de litiges par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leur différend, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »

Cette définition est à étudier au regard de l’article 1530 du code français de procédure civile :

« La médiation et la conciliation conventionnelles régies par le présent titre s’entendent, (...) de tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. »

 

La médiation dans la législation ivoirienne n’est donc pas un processus structuré et il n’y est pas évoqué expressément la conciliation, ce qui fait dire à certains qu’il n’y aurait pas de distinction en Afrique, et notamment en Côte d’Ivoire, entre médiation et conciliation.

 

Pourtant l’article 7 de la loi de 2016 indique : « En cas d’accord dans le cadre d’une conciliation, un procès-verbal rédigé par les parties consacre le règlement amiable du litige », ce qui semblerait donner une autorité judiciaire à la conciliation et pas à la médiation, ce procès-verbal étant homologué par le président du tribunal.

Toutefois la loi de 2014, pour la médiation conventionnelle précise que « La partie la plus diligente peut soumettre l'accord de médiation à l'homologation du président du tribunal compétent.  L'homologation est accordée par ordonnance du président du tribunal compétent, saisi par requête. »

En tout état de cause l’article 41 de la loi de 2016 précise bien :

« Au jour fixé pour l’audience, si les parties comparaissent ou sont régulièrement représentées, le tribunal de commerce s’assure que les parties ont entrepris les diligences en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige.

Si les parties ont accompli ces diligences sans parvenir à un accord et que l’affaire est en état d’être jugée, le tribunal délibère, dans les meilleurs délais (...) »

 

L’effet de ce dispositif serait donc qu’il appartient, depuis 2016, aux parties de tenter de se concilier avant d’introduire une instance devant le tribunal, celui-ci n’ayant plus alors à se préoccuper d’une possibilité de mode amiable de résolution du différend qui lui est présenté.  Il a été justement souligné lors des échanges de la Table Ronde du 21 décembre 2022 que, alors que l’article 4 de l’Acte Uniforme sur la médiation dispose qu’« Une juridiction étatique ou arbitrale peut, en accord avec les parties, suspendre la procédure et les renvoyer à la médiation », la loi ivoirienne n’organiserait pas le renvoi vers la médiation dans le cadre des tribunaux de commerce.

Il semblerait donc qu’il puisse exister une contradiction entre la loi de 2016 régissant les tribunaux de commerce et la loi de 2014 sur la médiation puisque cette dernière dispose bien : « Le juge saisi d'un litige portant sur des droits dont les parties ont la libre disposition peut, après avoir recueilli leur accord, désigner une institution de médiation ou un médiateur, pour mettre en œuvre la procédure devant les aider à trouver une solution consensuelle au litige qui les oppose » et ce au début d’un chapitre II sur la médiation judiciaire.

 

En synthèse, si la conciliation a bien été pratiquée par les juges consulaires du Tribunal de Commerce d’Abidjan, il semble qu’aujourd’hui ceux-ci aient peu, voire plus, recours à la conciliation pour solutionner les litiges qui leur sont présentés.

 

 

 

Qu’en est-il de la médiation à Bobigny

 

Nous devons nous situer avant et après la requête devant le tribunal de commerce.

 

Avant l’instance les parties ont naturellement la liberté entière de recourir à tout processus de médiation ou de conciliation, tel qu’il est défini par l’article 1530 du code civil, ci-dessus cité.

 

Une obligation de recours préalable à un des modes de résolution amiable avait été créée par l’article 750-1 du code de procédure civile : « A peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros (...) », tout en listant de nombreuses dérogations possibles à ce recours. En septembre 2022 le Conseil d’État a annulé cet article 750-1 considérant que les dispositions du 3° alinéa de l’article qui consacrent une dérogation à l’obligation de recourir à une tentative préalable de résolution amiable du litige en cas d’« indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige » ne sont pas suffisamment précises. Toutefois cet article de loi était une disposition particulière aux tribunaux judiciaires et n’était donc pas applicable aux litiges commerciaux. Il pouvait paraître souhaitable qu’un futur texte puisse englober les tribunaux de commerce.

 

Malheureusement le décret du 13 mai 2023 qui a réinséré cet article dans le code de procédure civile en limitant le délai de première rencontre d’un conciliateur à trois mois, n’a pas étendu ses dispositions aux tribunaux de commerce.

 

 

Il semble qu’actuellement les obligations de recours préalable à un mode de résolution amiable soient très limitées devant les juridictions commerciales. En effet l’article 58 de l’ancien code de procédure civile disposait jusqu’au 31 décembre 2019 que « Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. » Or l’article 54 du nouveau code de procédure civile, qui l’a remplacé, indique seulement que le demandeur doit produire en même temps que son assignation, « Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative. », ce qui est très limité pour les tribunaux de commerce, d’autant plus que l’article 750-1 ne les concerne pas.

 

Les juges du tribunal de commerce de Bobigny continuent néanmoins à s’assurer toujours d’une tentative de transaction préalable entre les parties.

 

La requête déposée et l’instance ouverte, l’article 21 du code de procédure civile s’impose : « Il entre dans la mission du juge de concilier les parties », ce qui est organisé par le titre VI de ce même code.

 

Le juge peut proposer conciliation ou médiation, notamment si les parties ne justifient pas de diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige. Il peut alors s’en charger lui-même dans le cadre du débat contradictoire.

 

Il peut aussi déléguer cette mission à un conciliateur ou à un médiateur.

 

Le conciliateur peut être un conciliateur de justice, à choisir sur une liste établie par la cour d’appel (de Paris pour Bobigny) ou un juge en exercice se chargeant des conciliations (juge conciliateur). A Bobigny une « mission conciliation » a été créée qui regroupe en 2023 7 conciliateurs, dont 3 conciliateurs de justice et 4 juges conciliateurs. Notons que la désignation de juges conciliateurs n’est pas réglementée par le code de procédure civile, mais est admise par de nombreuses juridictions commerciales.

 

Le médiateur de justice est, lui, en quelque sorte un prestataire de services qui peut être choisi par le juge sur une liste établie par la cour d’appel ou en dehors, voire même sur proposition des parties.

 

Conciliation et Médiation judiciaires sont bien distinguées dans le titre VI du code de procédure civile français.

 

Elles ont de nombreux points communs : la volonté et la liberté des parties, la confidentialité des échanges, des déroulés similaires (réunions pleinières et apartés), la durée (3 mois au maximum, renouvelable une fois), l’indépendance et l’impartialité du tiers facilitateur, ...

 

Il faut aussi pointer de substantielles différences :

·      Le juge peut imposer depuis 2015 la conciliation, mais il ne peut que proposer aux parties de rentrer dans un processus de médiation, celles-ci étant libres de le refuser ; il est établi néanmoins qu’une conciliation comme une médiation sans volonté des parties d’aboutir est vouée à l’échec ;

·      L’article 1er du décret D N°78-381 définit que « La mission du conciliateur est de rechercher le règlement amiable du différend », alors que celle du médiateur est « d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. » [5]. Le conciliateur doit aboutir à un accord alors que le médiateur doit recréer le lien qui permettra aux parties de trouver un accord ;

·      La loi confère en quelque sorte un certain pouvoir d’instruction au conciliateur puisqu’il « peut, avec l'accord des parties, se rendre sur les lieux et entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile, sous réserve de l’acceptation de celle-ci » [6], ce qui est interdit au médiateur qui « ne dispose pas de pouvoirs d'instruction. Toutefois, il peut, avec l'accord des parties et pour les besoins de la médiation, entendre les tiers qui y consentent. » [7]

·      En conciliation « La teneur de l'accord, même partiel, est consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice. »[8] ce qui vaut titre exécutoire ; le médiateur ne peut déontologiquement pas rédiger l’accord entre les parties, ni le signer, sauf à la limite avec la mention « en présence de... » et cet accord peut rester confidentiel et ne pas être communiqué au juge ; l’une et/ou l’autre des parties si elle le souhaite peut en demander l’homologation par le tribunal pour lui conférer la force de la chose jugée.

·      Le conciliateur intervient bénévolement ; le médiateur est rémunéré par les parties, selon un tarif arrêté par le juge.

 

A Bobigny seuls un ou deux dossiers par an partent en médiation. Les juges préfèrent la conciliation pour plusieurs raisons : un cadre juridique mieux défini ; des interlocuteurs récurrents qui connaissent bien le tribunal et envers lesquels les juges ont confiance ; la gratuité de l’intervention, notamment pour des enjeux de petite ou moyenne importance pour lesquels le coût de la médiation, qui ne dispense pas de la présence des avocats, paraîtrait prohibitif aux justiciables ; le pragmatisme de la conciliation qui vise essentiellement à trouver un accord.

 

En 2022 51 affaires ont été enrôlées pour des conciliations, ce qui représente moins de 2 % des affaires enrôlées sur le fond la même année. Si tous les dossiers en instance ne peuvent pas être orientés vers la conciliation, le président du tribunal de Bobigny souhaite un développement des Modes Amiables de Règlements des Différends (MARD) et a engagé dans ce but pour 2023 une campagne de mobilisation des juges consulaires.

 

__________________________

 

 

En conclusion qu’il s’agisse du tribunal de commerce d’Abidjan ou de celui de Bobigny la médiation est peu ou pas pratiquée.

A Abidjan les Modes Amiables de Résolution des Différends doivent être engagés avant toute saisine du tribunal. Puis ils ne sont plus pris en compte par les juges pendant l’instance qui n’orienteront pas les parties vers la conciliation ou la médiation, d’autant moins qu’aucun texte ne semble régir un processus de renvoi.

A Bobigny les juges du tribunal veillent à ce qu’une tentative de transaction ait été engagée par le demandeur avant la saisine, mais il peut s’agir d’une simple lettre recommandée avec accusé de réception mettant en demeure le défendeur, en lui proposant de transmettre une proposition amiable.  A l’inverse de la Côte d’Ivoire les textes français n’imposent pas de justifier d’une tentative de règlement amiable pour les litiges portés dans les tribunaux de commerce. Par contre conciliation ou médiation sont conseillées par les textes à tout moment de l’instance dès que le juge l’estime opportun. Peu de médiations sont en pratique sollicitées par les juges du tribunal de Bobigny, qui préfèrent renvoyer les parties en conciliation. Toutefois cette dernière pratique reste encore trop marginale et des actions sont menées en vue de la développer au sein du tribunal.

 

Il apparaît donc que la médiation conventionnelle a un rôle déterminant à prendre avant la saisine du tribunal.

Elle se justifie pleinement à ce stade car elle permet aux parties une économie de temps et d’argent alors que le suivi d’une procédure judiciaire leur coûtera du temps d’entreprise et des honoraires d’avocats supérieurs à la rémunération du médiateur. La solution retenue en médiation, qui devrait satisfaire les deux parties à la différence d’une décision de justice, sera obtenue plus rapidement permettant aux responsables d’entreprise d’être dégagé de ce soucis. De plus l’accord trouvé restera confidentiel, le litige commercial n’étant pas porté sur la place publique à la connaissance des clients, fournisseurs, banquiers et salariés.

 

Pour promouvoir la médiation en amont de l’autorité judiciaire il faut informer et sensibiliser les responsables d’entreprise aux MARD, qu’ils ne connaissent souvent pas ou peu et dont ils se méfient.

Il faut également mobiliser et former leurs avocats vers ce but.

 

 

 



[1] Loi de 2016

[2] Loi de 2016

[3] Ibid

[4] Ibid

[5] Article 131-1 du CPC

[6] Article 129-4 du CPC

[7] Article 131-8 du CPC

[8] Article 130 du CPC

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